Télévision par Internet : Intel rend les armes, Amazon fourbit les siennes

Après de longs mois d'efforts, Intel a définitivement enterré ses ambitions dans la télévision par Internet. Le groupe de Santa Clara, connu notamment pour ses micro-processeurs, a annoncé mardi 21 janvier, la vente de son unité Intel Media au groupe de télécoms Verizon. Le montant de cette opération n'a pas été indiqué, mais il pourrait avoisiner les 200 millions de dollars, un prix nettement inférieur à celui espéré par Intel.
Intel Media travaillait sur un projet de télévision par Internet, baptisé OnCue. Jamais montré en public, il aurait dû permettre de court-circuiter les câblo-opérateurs, avec leur facture élevée et leur refus de vendre des chaînes à l'unité. Il aurait également permis d'accéder à la demande à tous les programmes diffusés au cours des trois derniers jours depuis une télévision, un ordinateur, une tablette ou un smartphone.
LES CHAINES DE TELES RETICENTES
Après avoir promis un lancement en 2013, Intel avait jeté l'éponge en fin d'année dernière. "Le produit et la technologie sont excellents mais ce qui importe le plus ce sont les contenus", expliquait alors Brian Krzanich, son PDG, au site spécialisé Re/code. Problème: Intel a été incapable de finaliser des accords avec les chaînes de télévision, réticentes à tout changement, comme en témoigne les poursuites judiciaires engagées contre Aereo.
Nommé en mai 2013, Brian Krzanich n'était par ailleurs pas véritablement convaincu par ce projet initié par son prédécesseur, Paul Otellini, PDG d'Intel pendant huit ans. Le nouveau patron souhaite d'abord redresser la société, soumise à une vive concurrence après avoir tardé à prendre le tournant du mobile.
AMAZON ENTRE EN PISTE
Si Intel a abandonné son projet, la télévision par Internet continue d'intéresser d'autres entreprises. C'est notamment le cas de Sony, qui a fait part de ses ambitions lors du dernier CES, début janvier à Las Vegas. Le groupe japonais a promis de lancer son service cette année, sans livrer beaucoup plus de détails sur ses intentions. Il dispose d'un atout: les dizaines de millions de télévisions, lecteurs Blu-Ray (connectés à Internet) et consoles PlayStation déjà présents dans les salons américains.
Un autre acteur de poids pourrait également entrer en piste: Amazon. Selon les informations du Wall Street Journal, le géant du commerce en ligne travaillerait sur une telle offre. Il aurait déjà contacté trois importants groupes de télévision pour entamer des négociations sur la diffusion de leurs chaînes. Le groupe de Seattle pourrait faire face aux mêmes difficultés qu'Intel.
PRIX AGRESSIFS
Amazon pourrait cependant se montrer plus généreux pour obtenir ces indispensables contrats de diffusion. La société a déjà montré par le passé qu'elle était prête à sacrifier ses marges, voire à perdre de l'argent, pour s'imposer sur un segment. Elle pourrait aussi offrir des prix très agressifs pour son bouquet et les chaînes à l'unité, en se rémunérant autrement. Par exemple, avec une intégration poussée de son site marchand pour acheter directement depuis sa télévision.
Le service est encore au stade de simple projet, précise le Wall Street Journal. Mais il s'intégrerait parfaitement dans la stratégie menée par Jeff Bezos, le patron et fondateur d'Amazon. L'e-commerçant investit massivement dans les medias. Selon la firme Cantor Fitzgerald, il a déboursé plus un milliard de dollars en 2013 dans les contenus, notamment pour enrichir son offre de streaming vidéo, concurrente de Netflix.
LA NEUTRALITE DU NET EN QUESTION
Au-delà des négociations avec les groupes de télévision, un autre obstacle majeur se dresse devant la télévision par Internet: la fin possible de la neutralité du Net. La semaine dernière, la justice américaine a jugé que ce principe d'égalité entre tous les acteurs du web n'était pas conforme à la Constitution américaine. Cela veut dire que les opérateurs Internet pourront à l'avenir réclamer aux gros utilisateurs de bande passante, comme Netflix ou YouTube et les futurs services de télévision en ligne, de payer pour maintenir une vitesse de connexion rapide.
Or, les fournisseurs d'accès sont aussi ceux qui vendent les abonnements au câble. Et ils ne veulent bien entendu par perdre une part de ce gâteau, d'autant plus que le nombre d'abonnés tend à stagner ces dernières années (autour des 100 millions). Face à la menace représentée par ces nouveaux arrivants, ils seront en mesure de leur demander des sommes importantes, rendant leur modèle économique encore plus difficile. Et leur développement plus incertain.
MAJ - Une porte-parole d'Amazon a démenti les informations publiées dans le Wall Street Journal.